Dans un contexte aussi inédit que celui provoqué par la crise du COVID-19, les outils manquent. Sur la longue liste des besoins figure la prise en charge assurantielle des conséquences économiques sur laquelle se penche actuellement les parlementaires.
Dès le début du confinement, mi-mars, de nombreux appels se sont fait entendre pour demander la reconnaissance d’un état de catastrophe sanitaire par l’État afin de pouvoir débloquer une indemnisation des compagnies d’assurances pour les effets « non assurables », comme le prévoit le code des assurances pour les catastrophes naturelles. Des organismes professionnels de la filière thermale et hôtelière, à l’instar de l’UMIH (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie), de la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) et du CNETh (Conseil national des établissements thermaux), se sont ainsi rassemblés fin mars pour porter cette initiative (lire notre article ici).
Mais à ce jour, leur démarche est restée lettre morte. Pour plusieurs raisons, parmi lesquelles l’inadaptabilité du régime de catastrophe naturelle à la crise sanitaire et l’impossibilité d’y associer une extension de prise en charge de dommages directs, comme la perte d’exploitation, quand celui-ci n’assure que les indirects. Comme l’a expliqué Me Pierre Desmarais dans un article paru le 1er avril sur notre site, « la pandémie n’a causé aucun dommage de ce type » et accorder ce régime non adapté à la situation aurait « pour conséquences de ruiner les compagnies d’assurances. »
Une loi d’urgence pour couvrir les conséquences économiques d’une épidémie
Mais avec l’activité économique du pays à l’arrêt, des réponses aux entreprises doivent être apportées. Bruno Le Maire, comme le président de la République, Emmanuel Macron, dans son discours du 13 avril, pressent les assureurs d’être « au rendez-vous de cette mobilisation économique » pour faire face à la crise provoquée par l’épidémie de coronavirus. Un nouvel élan se déclenche du côté des parlementaires, qui s’emparent du sujet. C’est ainsi qu’une proposition de loi d’urgence visant à instaurer « la reconnaissance d’état de catastrophe sanitaire » a été déposée au Sénat par Catherine Dumas.
Déposée sous le n° 394 et cosignée par 66 sénateurs, elle vise à préserver l’emploi, éviter les faillites des entreprises et sauvegarder le tissu économique secteur par secteur, partout en France.
Le texte prévoit ainsi que soit créé immédiatement un régime d’indemnisation COVID-19, financé par le budget de l’État, agissant de façon rétroactive, pour couvrir les conséquences économiques de l’épidémie (articles 1 et 2 de la proposition de loi). Il appelle également à la construction d’un régime d’assurance des risques liés à des menaces sanitaires graves, sur le modèle de l’assurance des risques de catastrophes naturelles, pour prémunir le monde économique contre les épidémies de demain (articles 3 et 4 de la proposition de loi). Dans les deux cas, afin que la charge financière reste supportable pour l’État en ce qui concerne le régime d’indemnisation COVID-19 et que toute menace future reste assurable pour le régime d’assurance, ces dispositifs seraient construits en retenant le cadre d’activation suivant :
- un événement exceptionnel de grande ampleur aux conséquences graves : c’est le cas du COVID-19 ;
- une couverture des conséquences de décisions de puissance publique : interdiction de rassemblements, de séminaires, restrictions de circulation, etc. ;
- des secteurs donnés, jugés particulièrement touchés (hôtellerie, restauration, transports, etc.) ;
- dans des zones déterminées (« clusters », par exemple) ou, éventuellement, sur tout le territoire.
PPL n° 394 : http://www.senat.fr/leg/ppl19-394.html.
Les assureurs poussés à la réflexion
Après plusieurs jours de discussion, les assureurs ont répondu favorablement, aujourd’hui, à une augmentation de leur contribution au fonds de solidarité mis en place par le gouvernement pour soutenir les petites entreprises et les indépendants. Selon les services du Premier ministre, ils porteront leur effort à 400 millions d’euros contre 200 proposés jusqu’à présent.
Ils se sont également accordés sur la mise en place d’un programme d’investissement de 1,5 milliard d’euros afin de soutenir la relance de l’économie française et se sont engagés à travailler à la mise en place d’un régime d’assurance des pandémies.
Enfin, selon Le Monde, un groupe de travail va être constitué cette semaine, à l’initiative du ministère des Finances. Il associera le ministère, les assureurs, des parlementaires et des personnalités « qui font consensus ».« L’idée est d’engager une réflexion de fond, dans un délai de deux mois, afin de mieux couvrir collectivement les pertes d’exploitation si demain nous devions à nouveau faire face à une épidémie », indique une source à Bercy. Les propositions de ce groupe de travail sont attendues d’ici à la fin du mois de juin.
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