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Images de science : Une bulle éternelle (ou presque)

Images de science : Une bulle éternelle (ou presque)

Les bulles sont-elles plus belles quand elles explosent, ou quand elles durent éternellement ?
Roux et al. / Phys. Rev. Fluids, Fourni par l’auteur

Alexis Duchesne, Université de Lille; Aymeric Roux, Université de Lille et Michael Baudoin, Université de Lille

Cette bulle a gardé sa forme et sa composition pendant plus de 460 jours. De quoi réconforter dans les cours de récréation et inspirer les artistes spécialistes des films de savon… à moins que la poésie des bulles ne réside justement dans leur aspect éphémère ?

Mais revenons à notre bulle vénérable : finalement, qu’est-ce qu’une bulle ? Qu’est-ce qui entraîne sa mort ? Et comment l’objet que vous avez sous les yeux a-t-il pu survivre si longtemps ?

Pour nous, physiciens, une bulle est un film liquide sphérique (d’une épaisseur de quelques dizaines de fois plus petite que le diamètre d’un cheveu) qui sépare un gaz emprisonné à l’intérieur de la bulle (par exemple de l’air) et un gaz environnant (souvent de l’air également).

Pourquoi les bulles éclatent-elles ?

Si une bulle éclate, c’est très souvent à cause de la gravité : le liquide s’écoule sous son propre poids, on parle de drainage. Le film liquide au sommet de la bulle devient si mince (jusqu’à un millième de diamètre de cheveu) que la moindre perturbation le rompt et fait éclater la bulle (et pleurer les enfants). Pour se donner une idée du phénomène : le drainage provoquerait la rupture d’une bulle d’eau pure après quelques centièmes de millisecondes, ce qui explique pourquoi on ne peut pas observer ce type de bulle et qu’il est nécessaire d’y ajouter… du savon. En effet, les molécules contenues dans le savon viennent naturellement se placer à l’interface entre l’eau et l’air, rigidifiant ainsi les parois du film liquide et ralentissant considérablement l’écoulement du liquide. De même, remplacer l’eau par un mélange plus visqueux permet d’augmenter le temps de vie d’une bulle en ralentissant encore davantage le drainage.

Malheureusement, même avec du savon et un liquide très visqueux, un autre danger menace l’existence des bulles : l’évaporation. Son effet est plus lent, mais il conduit également à l’amincissement progressif du film, le conduisant irrémédiablement à la rupture.

Le film fragilisé par ces deux phénomènes connaît enfin une ultime menace : il peut exploser au simple contact d’une poussière, on parle alors de points de nucléation.

Comment les empêcher d’éclater ?

Si la bulle que vous avez sous les yeux a tenu plus d’un an, c’est que nous sommes parvenus à combattre ces trois phénomènes (drainage, évaporation et nucléation).

Pour commencer, en nous inspirant des travaux de Timounay et de ses collègues, nous avons « remplacé » le savon par des particules de plastique d’un dixième de millimètre environ. Celles-ci retiennent le liquide qui reste piégé entre elles au lieu de s’écouler. C’est le même phénomène que pour les châteaux de sable : le sable mouillé contient suffisamment d’eau pour assurer la cohésion entre les grains, mais suffisamment peu pour que l’eau ne s’écoule pas.

Mais si l’ajout de particules permet de supprimer le drainage et de solidifier la bulle (luttant ainsi contre la nucléation), ce qui viendra mettre un terme à l’existence d’une bulle composée uniquement d’eau et de particule est la même chose que ce qui achèvera votre château : l’évaporation. Ainsi, une bulle d’eau pure couverte de particules a une durée de vie de quelques dizaines de minutes.

Pour lutter contre l’évaporation, nous avons ajouté à l’eau de la glycérine. Cette molécule au goût sucré est hygroscopique : elle absorbe la vapeur d’eau contenue dans l’air. Plus on en ajoute, plus la bulle capte l’humidité de l’air ambiant. Cependant, moins il y a d’eau en proportion, moins il y a d’évaporation… Autrement dit, l’ajout de glycérine conduit à un équilibre entre la vapeur d’eau absorbée par la glycérine et l’évaporation de l’eau contenue dans le film.

Notre bulle finale est donc constituée d’un mélange eau-glycérine-particules. Et elle s’avère être insensible au drainage, à l’évaporation et très résistante à la nucléation. Ce qui explique sa spectaculaire durée de vie !

Reste une question : qu’est-ce qui a finalement causé sa mort ? Peut-être des colonies de bactéries ou de moisissures qui se seraient développées à l’intérieur et auraient modifié son équilibre. Une hypothèse appuyée par la couleur légèrement verdâtre qu’avait la bulle lors de ses derniers jours…

Alexis Duchesne, Maître de conférences en mécanique, Université de Lille; Aymeric Roux, Doctorant en électronique et nanotechnologies, Université de Lille et Michael Baudoin, Professeur des université en mécanique des fluides, acoustique et microsystèmes, Université de Lille

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

The Conversation

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