Par Rachel Kelly, University of Tasmania et Pradeep Arjan Singh, Institute for Advanced Sustainability Studies, Potsdam
Les océans sont aujourd’hui confrontés à de multiples dangers : le dérèglement climatique qui s’accélère, la perte de la biodiversité marine, l’extraction croissante des ressources (exploitation minière en haute mer), etc. Tout ceci à un moment où les hommes dépendent plus que jamais de l’océan pour se nourrir et gagner leur vie.
La décennie (2021-2030) que l’ONU se propose de consacrer aux sciences océaniques au service du développement durable – également connue sous le nom de « Décennie de l’océan » – a pour but d’assurer la pérennité des océans. Cette mission exige une action concertée de différents secteurs, disciplines, États, communautés et générations ; sa réussite passe par une diversité des voix représentant les leaders, actuels et à venir, de l’océan.
À ce titre, les jeunes professionnels de l’océan joueront un rôle clé dans le développement et l’application des connaissances marines inclusives qui sont le gage du succès.
Une approche intergénérationnelle pour la « Décennie de l’océan »
Cette « Décennie de l’océan » reconnaît l’importance des professionnels en début de carrière, qui travaillent dans et avec l’océan, bien au-delà du seul domaine des sciences. Elle a ainsi mis en place un groupe de travail informel qui suscite l’intérêt de jeunes professionnels du monde entier.
Ce groupe de travail, dont nous faisons partie, est chargé d’établir une stratégie impliquant et incluant les points de vue et idées des jeunes dans l’ensemble du programme de la Décennie.
Si nous menons à bien la tâche qui nous est confiée, la diversité intergénérationnelle (et la reconnaissance de son importance) sera au centre des discussions sur la durabilité des océans, au-delà de la Décennie.
Notre objectif est d’initier des changements profonds dans la manière de concevoir et de mettre en application la science, les solutions et les innovations touchant aux océans.
De nouveaux domaines de recherche
Ce groupe de travail informel vise à amorcer cette révolution inter – et transdisciplinaire pour changer notre façon de créer et d’utiliser les connaissances pratiques sur l’océan.
Avec d’autres professionnels en début de carrière, nous appliquons dès maintenant des approches inclusives et participatives afin d’imaginer des solutions innovantes et efficaces.
Conscients que les océans sont aujourd’hui plus menacés que jamais par les activités humaines, notre groupe de travail s’efforce de trouver des solutions aux problèmes rencontrés dans les eaux côtières, la haute mer et les profondeurs de l’océan.
Nous menons au niveau mondial des recherches dans de nouveaux domaines et développons des initiatives originales pour faire connaître les données scientifiques sur l’océan et impliquer le public.
Le changement climatique à la loupe
Beaucoup de jeunes professionnels de l’océan travaillent et mènent des recherches sur des sujets liés au dérèglement climatique.
Ils tentent notamment de répondre au défi croissant du réchauffement et de l’acidification des océans et élaborent des stratégies d’adaptation.
Agir pour le climat et s’adapter à ces nouvelles conditions climatiques nécessite des approches innovantes et proactives, capables d’intégrer divers facteurs environnementaux, sociaux et économiques.
Des initiatives pour lutter contre la surpêche et la pollution
Les jeunes professionnels s’impliquent aussi dans une variété d’initiatives contre la pollution marine, le déversement des déchets dans la mer et la surpêche, sans oublier la promotion de la durabilité des océans et de la gouvernance régionale.
Nous nous intéressons particulièrement aux zones marines qui ne dépendent pas des juridictions nationales et présentent un défi spécial au niveau scientifique mais aussi de l’application de la loi et de la gouvernance.
Dans ce cadre, nous abordons des sujets tels que la gestion de la pêche durable, la création de zones marines protégées et d’autres types de gestion du territoire.
L’un des principaux enjeux des premières années de la « Décennie de l’océan » sera de créer un instrument juridiquement contraignant – en cours de négociation sous l’égide des Nations unies – pour la préservation et l’utilisation durable de la biodiversité en haute mer.
D’autres jeunes professionnels réalisent un travail crucial sur les nouvelles activités d’extraction des ressources (potentiellement très risquées), comme l’exploitation minière en haute mer.
Une plongée dans les eaux profondes
Les connaissances scientifiques des eaux profondes restent limitées, mais des avancées se profilent dans les technologies d’observation peu coûteuses, notamment avec des systèmes de caméras pour fonds marins capables de contribuer aux recherches sur la biodiversité, la répartition des espèces et leur comportement.
La recherche scientifique et d’autres sources de savoir – notamment les connaissances autochtones et traditionnelles – nous aideront à mieux connaître les eaux profondes et les autres environnements marins, afin d’orienter et d’améliorer la gestion et la réglementation de ces écosystèmes essentiels.
Ouvrir les horizons
Notre vision et notre mission communes doivent refléter toutes ces nouvelles voix, comme en témoigne la liste des coauteurs de cet article.
Si la majorité sont des universitaires (71 %) et des fonctionnaires (11 %), beaucoup d’autres apportent des perspectives et des connaissances issues de la société civile, des industries du secteur maritime et des organisations intergouvernementales.
Nous nous sommes organisés en groupes de travail sur des sujets tels que le développement durable des entreprises, la formation et le mentorat, l’engagement de la jeunesse et la sensibilisation à l’océan.
Changer nos habitudes, impliquer le plus grand nombre
L’un de nos principaux objectifs est d’établir un lien entre l’océan et les personnes et communautés, afin d’encourager ces dernières à adopter des comportements écologiques et agir pour la préservation des océans.
Afin de provoquer les changements voulus dans le milieu scientifique, certains jeunes professionnels de l’océan tentent de réinventer le processus de production des connaissances, en créant de nouvelles opportunités de communication.
Des collaborations entre art et science peuvent ainsi permettre aux scientifiques et aux communautés de mieux explorer et transmettre leurs expériences de l’océan et les données qu’ils en tirent.
L’océanographie citoyenne représente une autre manière d’impliquer les communautés, en proposant aux participants d’interagir directement avec la science, voire d’influer sur les domaines de recherche.
Les nettoyages des plages constituent par exemple une forme de contribution citoyenne à la science, engageant la population à s’investir dans leur milieu marin local, tout en produisant des données sur l’impact de la pollution dans l’océan, en étudiant notamment l’interaction des animaux avec les déchets. Ces données peuvent ensuite aider à déterminer l’ampleur et les effets des problèmes environnementaux, et à orienter la création de solutions pratiques.
Un meilleur accès aux ressources et aux infrastructures
Nous avons beaucoup à gagner et pouvons largement contribuer aux projets internationaux et interdisciplinaires d’envergure en apportant des idées originales et novatrices dans les questions et les défis qui touchent les zones océaniques mondiales.
Néanmoins, pour espérer devenir des leaders de l’océan, capables de contribuer à la protection des connaissances culturelles et institutionnelles, et de favoriser des actions à responsabilité partagée aux effets notables sur plusieurs générations, il nous faut le soutien des acteurs locaux.
Un meilleur accès, plus équitable, aux ressources et aux infrastructures sera essentiel pour mobiliser les jeunes professionnels de l’océan, notamment dans les régions où leurs idées et leur énergie sont les plus utiles. Nous pourrons alors offrir à la génération actuelle, et aux générations futures, les moyens de créer des solutions inclusives et innovantes pour l’océan en vue d’un avenir plus durable à l’horizon 2030.
Traduit de l’anglais par Valeriya Macogon pour Fast ForWord.
Autres contributeur·trice·s : Riaan Cedras, service de la biodiversité et biologie de la conservation, université du Cap-occidental, Afrique du Sud ; Alessia Dinoi, service de zoologie du centre de génomique environnementale et de préservation de la faune sauvage de l’université de Johannesburg, Afrique du Sud ; Jonatha Giddens, laboratoire technologique d’exploration de la National Geographic Society, États-Unis ; Alfredo Giron-Nava, centre de solutions océaniques de Stanford (Californie), États-Unis ; Claire Mason, Institut d’études marines et de l’Antarctique de l’université de Tasmanie, Hobart, Australie ; Guillermo Ortuño Crespo, centre de résilience de l’université de Stockholm, Suède ; Peter S. Puskic, centre de socio-écologie marine de l’université de Tasmania, Hobart, Australie.
Depuis 60 ans, la Commission océanographique intergouvernementale (COI) de l’UNESCO a travaillé dans les coulisses pour permettre à ses États membres de travailler ensemble pour renforcer notre compréhension scientifique de l’océan au profit de l’humanité.
Rachel Kelly, Postdoctoral Research Fellow – Future Ocean and Coastal Infrastructures (FOCI) Consortium, Memorial University Canada & Centre for Marine Socioecology, University of Tasmania et Pradeep Arjan Singh, Research Associate, Institute for Advanced Sustainability Studies, Potsdam
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
© photo à la une : Une vue du haut Arctique norvégien à bord du navire de recherche Lance (juillet 2015). Rick Bajornas/UN, CC BY