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Donner une personnalité juridique aux fleuves pour mieux les protéger

 

Créer des juridictions spécialisées dans la protection d’éléments naturels, tel est le projet de loi qui refait surface depuis octobre dernier. Il concerne notamment le Rhône et émane de la mobilisation « l’Appel du Rhône » qui espère donner au fleuve la personnalité juridique qui lui permettra de défendre en justice ses intérêts.

Pour préserver l’environnement, et notamment les cours d’eau, un droit de la nature émerge un peu partout sur le globe. Il reste malgré tout extrêmement inégalitaire. Si dans des pays comme l’Équateur, la Colombie ou le Colorado le droit de la nature est inscrit dans la constitution, en Europe le concept demeure encore très flou.

L’ébauche d’un droit de la nature en France

Plusieurs associations et élus se sont penchés sur la question et militent pour la cause. C’est le cas de Fédéric Pitaval, directeur de l’association id·eau. Ce dernier constate que le droit existant est un droit de réparation et de propriété qui ne permet pas de répondre aux enjeux climatiques actuels.

Selon Mara Tignino, maitre d’enseignement et de recherche au département de droit international public et organisation internationale (INPUB) de l’Université de Genève, le droit de la nature doit devenir un droit de sujet et non d’objet. Il est dans un premier temps primordial que les communautés locales aient accès à des « mécanismes juridictionnels ». Portée par l’association id·eau, la mobilisation citoyenne l’Appel du Rhône vise ainsi à donner une personnalité juridique au Rhône. Cette initiative a été soutenue par d’autres associations comme Garn Europe, Rights of Mother Earth, Wild Legal et Notre Affaire à Tous.

Cette initiative permettrait au Rhône de se défendre et de revendiquer son droit d’exister en tant qu’entité naturelle et ainsi de protéger ses intérêts : l’extinction des espèces, la disparition des terres, la perturbation des cycles. Il pourrait également intenter en justice tout acte dégradant tel que la pollution. D’ailleurs, les Nations-Unies ont validé le projet de l’Appel du Rhône en le faisant entrer dans leur programme Harmony With Nature.

Un projet de création d’un parlement de la Loire a également été lancé fin 2019 pour appuyer la reconnaissance de la personnalité juridique du plus long fleuve de France. Dans cette logique, la mairie de Paris s’est engagée à établir des actions de reconnaissance de la personnalité juridique de la Seine et réfléchit aussi à l’idée d’un parlement. Des auditions visant à répondre aux nombreuses questions soulevées par cette notion se sont tenues jusqu’en décembre 2020. Le bilan de ces entretiens sera présenté devant l’Assemblée nationale et le Sénat en juin prochain.

La reconnaissance juridique des cours d’eau à l’international

Sur les autres continents, la juridiction environnementale est déjà bien établie. Dans certains pays, ce droit est même constitutionnel. Pour d’autres, il émerge. Ainsi, le fleuve Whanganui, en Nouvelle-Zélande, bénéficie du statut de personne juridique, au même titre que les humains depuis 2020.

Le Québec a également accordé le statut de personnalité juridique à la rivière Magpie le 16 février 2021. Le cours d’eau dispose désormais de neuf droits juridiques et notamment celui d’intenter une action en justice. Des « gardiens », élus par la municipalité, jouiront du « devoir d’agir au nom des droits et des intérêts de la rivière et de veiller à la protection de ses droits fondamentaux », selon les résolutions adoptées.

Plus largement, l’ONU souhaite établir un droit international de la protection de l’environnement, à travers la création d’une ONG dédiée. Mais le droit de la nature reste difficile à mettre en place. En effet, en Inde, en 2017, le statut de personnalité juridique a été accordé au Gange et à la Yamuna, son principal affluent. Les autorités indiennes ont cependant dû se rétracter, car les mesures étaient trop compliquées à appliquer.

Si le droit de la nature commence à se développer à l’international, cette tendance demeure encore très minoritaire en Europe. Mais face à l’enjeu que représente la protection de l’environnement, les institutions françaises semblent vouloir se mobiliser.

 

© Image d’illustration : Adobe Stock

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