Notre expédition débute avec l’arrivée d’un groupe d’explorateurs au beau milieu de vastes étendues de glace. François Lapointe, doctorant en Sciences de la Terre, et ses collègues chercheurs vont à la rencontre du temps sur le lac de South Sawtooth situé sur l’île d’Ellesmere, à 1200 kilomètres du Pôle Nord. Le but de la mission : récolter des indices sur les variations de température en Atlantique au cours du dernier millénaire. Tout un programme.
Dans les profondeurs des eaux arctiques
Niché au cœur d’une vallée dans les montagnes, le lac de South Sawtooth dégèle chaque année durant quelques semaines pendant la saison estivale. Les sédiments rocheux des alentours, emportés par le ruissellement de l’eau issue de la fonte des neiges, se retrouvent au fond de ce réservoir.
C’est là, à plus de 80 mètres sous les eaux, que ces particules reposent et attendent qu’on vienne les prélever afin de découvrir les secrets qu’elles renferment. Pour cela rien de plus simple, il suffit à François et son équipe de percer un trou dans la glace, puis de faire descendre un tube de 1,5 mètre de long lesté d’un poids. Une fois le tube positionné à la verticale au fond du lac, le poids est alors remonté à la force des bras à l’aide d’un câble. Lorsque le tube est bien enfoncé dans les sédiments, son contenu peut être ramené à la surface. Le résultat ? Une carotte de sédiments de 6 mètres de long grâce à laquelle l’équipe peut découvrir 2900 ans d’histoire.
Pourquoi explorer le fond d’un lac polaire ?
Le lac de South Sawtooth est unique en son genre. C’est l’un des seuls lacs au monde (1 sur 10 000) où les sédiments s’accumulent au fil du temps sous forme de fines couches annuelles bien distinctes : des varves. À lieu exceptionnel, croisade exceptionnelle, celle d’un voyage à travers des centaines de siècles de changement climatique et d’évolution. Mais que contiennent ces strates sédimentaires, et que peuvent-elles nous apprendre ?
Le titane, un indicateur des variations climatiques
La réponse est dans le titane. Cet élément chimique, naturellement présent dans les roches qui entourent le lac, constitue un indicateur d’intensité du froid hivernal au cours des millénaires. Plus l’hiver est froid et la neige abondante, plus la quantité d’eau (et de titane) déposée au fond du lac est importante.
Mais revenons à notre mission. Les strates récoltées au fond du lac polaire ont parlé : les variations de température déterminées depuis 165 ans en Arctique proviennent bien d’un cycle qui existerait depuis près de trois siècles !
Cette découverte sans précédent de notre équipe de chercheurs a donné lieu à une étude plus approfondie, publiée dans le Proceedings of the National Academy of Sciences. On y apprend que l’influence humaine du siècle dernier est responsable de la hausse des températures.
Le retour au bercail
Laissons François et son équipe rentrer dans le sud pour examiner de plus près toutes ces richesses récoltées en terres glaciaires.
C’est ici que s’achève notre excursion à travers l’histoire de ce lac nordique. Retenons que, s’il n’est pas visible à courte durée, le changement climatique laisse des traces intemporelles dans les endroits les plus reculés de notre belle planète.
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