Technique controversée au sein de la communauté scientifique, la géo-ingénierie revient à manipuler le climat. Ce qui pourrait donner un délai supplémentaire pour réussir la transition écologique… mais à quel prix ?
Modifier artificiellement l’atmosphère terrestre pour refroidir la planète et gagner du temps pour ralentir le réchauffement climatique et ses effets (fonte des glaces, élévation du niveau des océans, hausse des phénomènes météorologiques extrêmes, pour ne citer qu’eux) : l’idée peut sembler folle. Et pourtant, des scientifiques y réfléchissent très sérieusement.
Reproduire les conséquences des nuages volcaniques
Le concept est baptisé géo–ingénierie solaire, ou intervention climatique solaire. Il consiste à provoquer une réflexion du rayonnement solaire pour renvoyer l’énergie dans l’espace et éviter ainsi que la Terre se réchauffe autant. De tels phénomènes peuvent se produire naturellement, par exemple à l’occasion d’éruptions volcaniques. Les nuages de cendres rejettent alors dans l’atmosphère du dioxyde de soufre qui bloque les rayons du soleil. À la suite de quoi, des refroidissements sont observés parfois pendant des mois.
Ici, il s’agit de reproduire artificiellement les effets des nuages volcaniques pour offrir un délai supplémentaire au processus de transition vers des énergies non émettrices de gaz à effet de serre. En pratique, il faudrait injecter des particules de soufre sous forme d’aérosols soufrés dans la couche supérieure de l’atmosphère terrestre pour réfléchir les rayons solaires. Pour la diffusion de ces aérosols, plusieurs possibilités sont envisagées : comme l’utilisation de ballons qui les libèreraient progressivement dans le ciel ou le largage par avion.
La géo-ingénierie solaire suscite la controverse depuis des années au sein de la communauté scientifique, notamment en raison du manque de connaissances sur les éventuels effets collatéraux ou de la difficulté à réaliser des expérimentations. Une organisation américaine à but non lucratif, SilverLining, a toutefois décidé de miser sur cette solution. Elle a ainsi annoncé le 28 octobre dernier la mobilisation de presque 2,5 millions d’euros reversés à plusieurs organismes américains (université de Cornell, université de Washington, université Rutgers, Centre national pour la recherche atmosphérique, etc.) — des fonds qui visent à soutenir la recherche sur l’intervention climatique solaire. Il s’agit non seulement d’analyser les questions pratiques, en étudiant la hauteur optimale pour relâcher les aérosols ou la taille des particules, mais aussi de s’intéresser aux conséquences. Car pour ce qui est de l’efficacité, les équipes sont sûres d’elles : « Nous savons avec une certitude absolue que nous pouvons refroidir la planète », a ainsi déclaré le Dr Douglas MacMartin, chercheur en génie mécanique et aérospatial de l’université Cornell.
Stimuler l’activité des planctons
Autre méthode de géo-ingénierie, autre controverse. Pour refroidir le climat, la fertilisation des océans a également été envisagée à plusieurs reprises. Cette méthode ne cible plus l’atmosphère, mais les fonds océaniques. L’idée : stimuler la productivité des phytoplanctons dans certaines zones océaniques pour décupler le phénomène par lequel ces organismes absorbent le dioxyde de carbone (CO2), responsable du réchauffement climatique, puis le véhiculent dans les fonds marins via leurs excréments, par exemple (on parle alors de sédimentation).
Mais cette méthode montre des limites : les conséquences néfastes seraient majeures, selon une étude publiée en mars 2020 sous la houlette du Canadien Charles Trick de l’université Western Ontario. En effet, les espèces exploitées pour cette technique, à savoir les Pseudo–nitzschia, libèreraient une neurotoxine potentiellement mortelle pour les autres organismes marins, voire l’homme.
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