Jeudi 3 décembre 2020. 21 h 30. Pacifique nord.
Au cœur du vortex de déchets également connu sous le nom de Septième continent.
Des millions de pailles, de bouteilles, de gobelets en plastique sont réunis pour célébrer l’arrivée de nouveaux résidents. Une fête de bienvenue organisée chaque mois sans exception depuis les années 1990 et qui, ce soir, ne se passera pas comme prévu…
Quelques semaines plus tôt. 23 h 15.
À des milliers de kilomètres de là. Sud du Royaume-Uni. Université de Portsmouth.
Derrière les portes du laboratoire, une créature mutante s’apprête à découvrir l’ampleur de son appétit…
Plastic Killer est une super-enzyme, un organisme génétiquement modifié, une dévoreuse de plastique vorace et surpuissante. Elle vient de voir le jour, en laboratoire, de la fusion de deux enzymes : PETase et MHETase.
Toutes deux viennent d’un microbe, Ideonella sakaiensis, découvert dans une décharge au Japon en 2016, et déjà PETase et MHETase ne sont pas des tendres. Elles peuvent décomposer une bouteille en quelques jours.
Mais la super-enzyme est plus grande, plus rapide, plus féroce. Elle est capable d’absorber le plastique six fois plus vite que les enzymes non mutantes. Et alors que, jusqu’à présent, les bactéries dévoreuses de plastique devaient se trouver dans des températures de 70 °C, Plastic Killer reste en pleine possession de ses moyens à température ambiante.
Ce soir-là, les erreurs humaines vont s’enchaîner pour arriver à la libération accidentelle de Plastic Killer, qui va se retrouver seule dans la nature, effrayée, affamée, alors qu’elle n’est encore jamais sortie. En un mot : dangereuse.
Quelqu’un a oublié de nourrir la super-enzyme avant de partir, une autre personne n’a pas verrouillé sa cage de verre, une autre a mal fermé un robinet. En quelques minutes à peine, la dévoreuse se retrouve dans les eaux du port de Portsmouth, à la recherche d’une proie.
Rapidement, Plastic Killer flaire un dîner potentiel, un bouchon en plastique qui vient d’être jeté dans l’eau par un être humain. La mutante se jette sur lui. En moins de temps qu’il faut pour le dire, il n’en reste rien. Mais la créature n’en a pas fini. Elle a toujours faim.
Plastic Killer se rend rapidement compte que le plastique, dans l’eau, ne manque pas. Elle décide donc de rester dans cet environnement qui lui convient plutôt bien…
Jeudi 3 décembre 2020. 21 h 30. Pacifique nord.
À quelques mètres au sud du vortex de déchets.
Il a fallu à peine quelques heures à Plastic Killer pour apprendre l’existence du Septième continent, quelques secondes pour décider que ce serait sa destination finale. Le trajet s’est tout de même avéré un peu long, la super-enzyme a dû rejoindre l’Atlantique, à travers l’océan, puis la mer des Caraïbes et enfin le canal de Panama.
Ce qu’elle y découvre va bien au-delà de ses espérances. Près d’1,6 million de km² de déchets. Dans la nuit, elle distingue même des lumières et un brouhaha au loin, a priori un groupe fait la fête. Lentement et sans bruit, Plastic Killer s’approche.
Elle plonge sous l’eau, avance en sous-marin pour ne pas se faire repérer et, au dernier moment, bondit à la surface pour attaquer les plastiques les uns après les autres. Ne leur laissant aucun chance… C’est une véritable boucherie !
Ce récit est tiré de faits réels. Le personnage de Plastic Killer s’inspire de la super-enzyme dévoreuse de plastique découverte par des chercheurs de l’université de Portsmouth. Une solution qui pourrait être exploitée à échelle commerciale d’ici un à deux ans pour se débarrasser des déchets plastiques et participer ainsi à la lutte contre la pollution des océans.
Un enjeu majeur quand on sait que dans le Pacifique, entre la Californie et Hawaï, 79 milliers de tonnes de plastiques flotteraient sur une zone d’1,6 million de km², dans le vortex de déchets du Pacifique nord, et que la pollution plastique y croît de manière exponentielle.