Trouver de l’eau sur la Lune, à 384 400 km de la Planète bleue, c’est un peu le Graal pour les astronautes du monde entier depuis des dizaines d’années. Une histoire d’amour qui débute au XVIIe siècle…
XVIIe siècle : mers lunaires droit devant !
Alors équipés de lunettes astronomiques, les savants commencent à observer le satellite. Remarquant des taches sombres à la surface, ils pensent avoir découvert de l’eau liquide sur l’astre. En 1645, lorsque l’astronome belge Michael Florent van Langren réalise la première cartographie lunaire, elle comporte donc des mers. De ces théories découle d’ailleurs la dénomination de mers lunaires, utilisée encore aujourd’hui pour désigner les plaines basaltiques issues de l’activité volcanique.
Mais alors que les connaissances des scientifiques s’élargissent, la théorie de la présence d’eau liquide sur la Lune est progressivement abandonnée en faveur d’une autre hypothèse…
On est au milieu du XIXe siècle et les analyses reposent encore exclusivement sur l’observation. Incapables d’identifier le moindre changement de météo, les scientifiques estiment que le satellite est en grande partie sec et dépourvu d’atmosphère. Quelques positions exceptionnelles, liées au fantasme de la face cachée de la Lune, émergent néanmoins. L’astronome danois Peter Andreas Hansen envisage alors la présence d’océans d’eau, voire de formes de vie sur cette partie de l’astre.
XXe siècle : fly me to the Moon
La théorie d’une Lune complètement sèche n’est finalement remise en cause qu’au milieu du XXe siècle, avec le lancement des programmes spatiaux.
À la fin des années 1950, des sondes spatiales commencent leur exploration. Les premiers orbiteurs, dont Ranger et Lunar Orbiter, ramènent des images de la surface. Et ces dernières montrent des reliefs, tels que les crevasses lunaires (également appelées rilles), qui laissent supposer l’existence passée d’écoulements d’eau ou de lave. La présence d’eau revient alors au cœur des croyances.
Le mystère des crevasses lunaires ne sera résolu que dans les années 1970, grâce au programme américain Apollo. Lancé en 1961 par la NASA, son objectif est simple : envoyer l’homme sur la Lune, une ambition accomplie en 1969. Au fil des expéditions, les astronautes d’Apollo foulent le sol du satellite, mais pas seulement. Ils rapportent aussi des échantillons de roches lunaires. Leur analyse permet de confirmer que les rilles n’ont pas été formées par le passage de l’eau, mais bien par de la lave en mouvement.
D’autres éléments rapportés par les missions viennent convaincre la communauté scientifique que si la Lune est pourvue d’eau, ce n’est qu’en très faible quantité. Par exemple, les instruments de mesure montrent que l’atmosphère de l’astre compte moins d’1 % d’eau. Et l’observation des roches souligne une part vraiment infime d’eau.
Toutefois, certaines découvertes à cette époque indiquent que la quantité d’eau pourrait être plus importante, mais elles sont globalement ignorées. C’est le cas des résultats de la mission soviétique Luna 24, en 1976. L’examen d’un prélèvement de carotte lunaire montre que si la proportion d’eau ne dépasse pas 0,1 % en surface, elle augmente avec la profondeur. Malgré tout, l’hypothèse majoritaire restera celle d’une quasi-absence d’eau…
Années 2000 : de la glace surtout, beaucoup de glace !
2007, cela fait 30 ans qu’une vaste majorité est convaincue que la Lune est sèche, mais la révolution est déjà en marche. Des découvertes majeures commencent alors à faire bouger les lignes. La première revient à la sonde lunaire indienne Chandrayaan-1. En 2008, elle lance un spectrographe (instrument de mesure infrarouge) sur le cratère de Shackleton, au pôle sud de la Lune, qui atteste finalement de la présence d’hydrogène.
Deuxième révélation : les échantillons de roches lunaires rapportés par Apollo sont de nouveau analysés avec les techniques modernes. La concentration en eau s’avère relativement importante au centre de la roche.
La NASA met également sa pierre à l’édifice. En 2009, le vaisseau LRO (Lunar Reconnaissance Orbiter) observe à son tour le cratère de Shackleton. Conclusion : la surface de cette zone serait composée à 22 % de glace.
Aujourd’hui… et au-delà : à 384 400 km sur votre gauche, station d’approvisionnement
Et après plusieurs révélations dans le même sens, les retours de la mission SOFIA de la NASA viennent aujourd’hui enfoncer le clou. Les résultats ont ainsi été présentés le 26 octobre 2020. Pour la première fois, de l’eau est observée en surface, et pas uniquement sur des territoires froids et ombragés. Des molécules d’eau ont ainsi été détectées dans le cratère Clavius, dans l’hémisphère Sud. Et les chercheurs estiment que la quantité d’eau serait bien plus grande qu’envisagée auparavant, posant alors de nouvelles interrogations. Comment de l’eau peut-elle se créer dans ces conditions particulièrement arides ? Elle pourrait résulter de chutes d’astéroïdes.
Mais surtout, est-elle facilement accessible ? Car si une technique d’extraction est élaborée, l’eau lunaire pourrait être exploitée comme ressource pour de prochaines missions spatiales habitées. La Lune servirait alors d’étape de réapprovisionnement aux vaisseaux en voyage vers Mars.
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