La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement propose 3 scénarios pour estimer l’impact de la pandémie de COVID-19 sur le secteur du tourisme, l’un des plus touchés à l’international. Pour la France, les prévisions modérées misent sur une chute de 40 milliards d’euros.
1 000 milliards d’euros. C’est la perte minimum pour le secteur mondial du tourisme engendrée par la pandémie du coronavirus, selon les estimations de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) publiées le 1er juillet dernier dans le rapport COVID-19 et tourisme, qui se concentre sur les effets à moyen et long terme de la crise sanitaire.
Un scénario modéré qui table sur 66 % de touristes internationaux en moins en 2020
Ce manque à gagner, qui représente 1,5 % du PIB (produit intérieur brut) international, a été calculé pour activité au point mort pendant 4 mois, c’est le cas de figure le plus optimiste. Si l’interruption se prolonge durant 8 mois, il pourrait atteindre 2 000 milliards d’euros, soit 2,8 % du PIB mondial. Ce deuxième scénario, qui s’appuie sur une réduction de 66 % des arrivées de touristes internationaux, est le plus proche de celui de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), qui prévoit une diminution du nombre de voyageurs de 60 à 80 % en 2020. Enfin, les prévisions les plus pessimistes, qui escomptent 12 mois de coupure, envisagent une perte de presque 3 000 milliards d’euros (4,2 % du PIB mondial).
Les raisons de ce recul sont multiples : mesures de confinement, restrictions de voyage, baisse des revenus des ménages, chute du niveau de confiance. Et même si un redémarrage de l’activité touristique se profile dans de plus en plus de pays, un grand nombre de territoires sont toujours à l’arrêt alors que le secteur est un pilier de l’économie pour beaucoup d’États. En 2019, le tourisme se trouvait ainsi à l’origine de près du tiers des exportations mondiales et de 300 millions d’emplois. Les conséquences de la contraction des arrivées de touristes pourraient être de taille, notamment pour les pays en développement, très dépendants de cette activité, comme le souligne Pamela Coke-Hamilton, directrice du commerce international à la CNUCED : « Ces chiffres nous rappellent clairement quelque chose que nous semblons souvent oublier : l’importance économique du secteur et son rôle de bouée de sauvetage pour des millions de personnes dans le monde ».
Le rapport explique que les pays en développement pourraient connaître les pertes de PIB les plus significatives, en particulier la Jamaïque (-11 points), la Thaïlande (-9 points) et la Croatie (-8 points). Cela étant, les pays développés seront également lourdement touchés, à l’instar de plusieurs destinations européennes et nord-américaines. Selon le scénario modéré (8 mois d’arrêt d’activité), la perte de recettes la plus importante incomberait aux États-Unis, qui perdraient plus de 160 milliards d’euros. La France arriverait en 4e position, avec une chute de plus de 40 milliards d’euros.
Des conséquences sur les secteurs connexes et l’emploi
Cette détérioration du secteur influerait d’ailleurs, par effet d’entraînement, sur d’autres secteurs économiques fournisseurs de biens et de services sollicités par les voyageurs, comme l’alimentation ou encore les divertissements. Ainsi, pour chaque million de dollars (889 720 euros) perdu en recettes touristiques internationales, les auteurs du rapport estiment que le revenu national d’un pays retomberait de 2 à 3 millions de dollars (1,8 à 2,7 millions d’euros).
Autre retentissement majeur : l’affaiblissement de l’emploi. Pour les pays les plus affectés, les experts avancent une augmentation de 17 % du chômage des travailleurs non qualifiés. Pour les travailleurs qualifiés, les chiffres sont moins hauts, mais restent alarmants : -12 % en Thaïlande, -11 % en Jamaïque et -9 % en Croatie, dans le scénario le plus optimiste. En outre, la CNUCED affirme que les conséquences seront encore plus négatives pour les femmes. Et ce, pour divers motifs : elles sont plus susceptibles d’être entrepreneurs dans le tourisme que les hommes, elles représentent 54 % des employés dans l’hôtellerie-restauration, ont davantage tendance à travailler de manière informelle à des postes peu qualifiés et sont donc moins en mesure de percevoir des allocations chômage.
Par conséquent, l’instance invite les pays les plus durement impactés à renforcer encore la protection sociale des communautés et des individus dépendant du tourisme. En particulier, elle demande aux gouvernements de porter une attention spéciale aux employés, qui sont fréquemment saisonniers ou indépendants dans cette filière, par exemple en les aidant à se réorienter vers de nouvelles industries lorsque leurs entreprises présentent des difficultés à se redresser. Il s’agit également de soutenir les entreprises du secteur qui risquent la faillite, comme de nombreux hôtels ou des compagnies aériennes en leur accordant des prêts à faible taux ou des subventions. Ces précautions ciblées sur le tourisme sont notamment motivées par le fait que le secteur devrait se relever plus lentement que les autres. La reprise pourrait ainsi prendre jusqu’à 19 mois, selon le WTTC (World travel & tourism council), forum pour l’industrie du voyage et du tourisme.
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