La deuxième semaine de confinement se termine sur une information assez sinistre, d’après les experts. L’activité économique française aurait chuté de 35 %, selon l’Insee. L’évaluation serait plus dramatique encore que les prévisions pessimistes antérieures. Ce qui pose la question de la survie des opérateurs économiques impactés par ce gigantesque gadin.
Comme pour la gestion politico-juridique, plusieurs options pouvaient être envisagées. Le soutien de l’économie au travers d’un interventionnisme étatique, une limitation de l’impact au titre de la solidarité nationale ou l’appel à la rescousse du secteur assurantiel. Chacune de ces solutions présente des inconvénients, se heurte à des obstacles.
Trois solutions possibles et leurs obstacles
L’interventionnisme étatique est fortement encadré, pour ne pas dire limité par le droit de l’Union européenne. Entre le sacro-saint équilibre budgétaire et la prohibition de principe des aides d’État, il semble assez évident que la législation européenne n’a pas été conçue pour permettre son fonctionnement optimal dans un contexte de crise paneuropéenne.
Le recours à la solidarité nationale est limité par son champ d’application. Si elle peut s’exprimer au travers de la prise en charge de l’activité partielle, elle n’existe et ne trouve à s’appliquer que lorsque la loi l’a créée. Des mécanismes de solidarité tels que le « fonds national de garantie des calamités agricoles » ne devraient ainsi pas pouvoir être activés, eu égard aux conditions légales d’application. Et dans la situation qui nous intéresse aujourd’hui, force est de constater que la solidarité nationale ne connaît ni dispositif générique, ni système permettant d’aider les chefs d’entreprise, les autoentrepreneurs, les libéraux.
Vient enfin l’assurance. Aux premiers jours du confinement, tous les dirigeants ont dû consulter leurs multiples polices d’assurance pour trouver la garantie leur permettant d’être indemnisés de leur perte d’exploitation. Et aucun n’a vraisemblablement pu en trouver. En effet, de par leur aspect universel, le risque inhérent aux pandémies ne peut être mutualisé. Non assurable, le risque n’est pas couvert. Cette incapacité à mutualiser le risque explique vraisemblablement pourquoi une extension de la loi de 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles n’a pas été étendue aux épidémies en général, et au COVID-19 en particulier. À ce titre, une lecture rapide de l’article 1er de la loi montre que les limites du dispositif résident non pas dans la définition de la catastrophe naturelle – qui semble pouvoir inclure une pandémie – mais dans les pertes indemnisées : les « dommages matériels directs ». Or, en l’occurrence, la pandémie n’a causé aucun dommage de ce type. L’extension du dispositif Cat’ Nat’ (pour « catastrophe naturelle ») à des dommages indirects, tels que les pertes d’exploitation, ruinerait vraisemblablement les compagnies d’assurance.
Arrivé là, je me dois de présenter mes excuses. J’ai utilisé jusqu’ici le présent, alors qu’il aurait fallu employer un temps du passé. Comme toutes les sciences humaines, le droit peut évoluer, surtout pour faire face à l’imprévu.
À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle
Les blocages européens ? Balayés par la Commission européenne qui a, le 20 mars dernier, adouci le cadre des aides d’État afin de soutenir l’économie dans le contexte de l’épidémie de COVID-19 et par le Conseil des ministres, qui a suspendu la règle du 0 déficit. Objectif : garantir la liquidité et l’accès au financement des entreprises.
La solidarité nationale s’est exprimée au travers de la réactivité du Parlement et du gouvernement français qui ont créé un fonds de solidarité à destination des entreprises en moins d’une semaine. Elle a été relayée par la suppression des jours de carence pour bénéficier des prestations d’assurance maladie, l’ouverture du bénéfice au parent devant garder son enfant, etc.
L’assurance n’est pas en reste. La probabilité de voir modifier le périmètre d’indemnisation des catastrophes naturelles et calamités agricoles est faible, pour ne pas dire quasi nulle. En revanche, la Fédération Française de l’Assurance a indiqué, le 23 mars, que ses membres n’entendaient pas rester de simples spectateurs, dans la résolution de la crise. Parmi les différentes mesures proposées par l’instance, un abondement du fonds « COVID-19 » à hauteur de 200 millions d’euros.
Aucune des options classiques permettant de gérer les conséquences dommageables d’un sinistre n’est susceptible de mitiger l’impact de la crise. Aucune n’est susceptible d’y parvenir, à elle seule.
Mais en les combinant, en travaillant au niveau national et européen, en mobilisant les représentants et composantes de la nation, en associant le public et le privé, la possibilité d’une mitigation est réelle.
Il n’y aura certes pas de retour au statu quo. Mais la rémission est certaine.
© Aquae Panorama / Faust Favart